Nous apprenons le décès de Claudine Hermann, physicienne, première femme professeure à l’Ecole polytechnique en 1992, et reconnue pour son inlassable engagement pour les femmes et les filles dans les sciences,physicienne et cofondatrice de l’association Femmes & Sciences.
C’était une très ancienne adhérente du CGJ, née Rodrigues, le 19 décembre 1945 à Paris, et décédée le 17 juillet 2021 à Villejuif, à l’âge de 75 ans.
Ancienne élève (promotion 1965) de l’Ecole normale supérieure de jeunes filles (ENSJF), elle est agrégée de physique en 1969. Spécialiste de physique des solides, elle soutient une thèse de 3e cycle en 1968 et une thèse d’Etat en 1976. Elle est successivement agrégée préparatrice à l’ENSJF, maîtresse de conférences, professeure à l’Ecole polytechnique, puis professeure émérite à partir de 2005. Elle sera aussi vice-présidente du département de physique de l’Ecole polytechnique de 1985 à 1992.
Ses enseignements, très appréciés par ses élèves et les collègues qui avaient le privilège de collaborer avec elle, portent en particulier sur la physique statistique, la physique des semi-conducteurs, et plus généralement la matière condensée. Ses travaux de recherche au Laboratoire de physique de la matière condensée – elle en sera directrice adjointe de 1980 à 1992 – portent sur le pompage optique dans les semi-conducteurs et la photo-émission d’électrons polarisés.
Membre de Demain la parité
Dans les années 1990, Claudine Hermann s’engage avec détermination dans la promotion des femmes et des filles dans les sciences. Elle participe au réseau Demain la parité (créé en 1994) et est coautrice de rapports sur la place des filles, dans les classes préparatoires scientifiques d’une part (1997), dans les grandes écoles scientifiques d’autre part (1998). Avec les enseignantes-chercheuses Noria Boukhobza, anthropologue, et Huguette Delavault, mathématicienne (1924-2003), elle publie un rapport, « Les enseignants-chercheurs à l’université : la place des femmes », sur lequel s’appuiera leur livre Les Enseignantes-Chercheuses à l’université : demain la parité ? (avec la collaboration de Corinne Konrad, L’Harmattan, 2002).
De 1996 à 2006, elle participe aux travaux du groupe « Femmes et sciences » du réseau européen d’évaluation de la technologie (ETAN) de la Communauté européenne, qui publie en 2001 le rapport « Intégrer la dimension du genre, un facteur d’excellence ».
En 2000, elle est cofondatrice de l’association Femmes & Sciences, dont elle sera la première présidente, puis présidente d’honneur à compter de 2004. En 2005, elle participe à la fondation de la Plate-forme européenne des femmes scientifiques (EPWS) : une cinquantaine d’associations européennes en sont membres, soit 15 000 femmes scientifiques européennes. Vice-présidente de 2009 à 2017, elle sera présidente de 2017 à 2021, et présidente d’honneur en 2021.
Intelligence vive
Celles et ceux qui ont connu Claudine Hermann peuvent témoigner que sa carrière hors du commun s’accompagnait d’une personnalité tout aussi remarquable. D’une intelligence vive et pragmatique, elle étonnait par sa puissance de travail qu’elle a mise au service de ses objectifs, dont ceux de l’association Femmes & Sciences. Elle était féministe, comme elle le disait elle-même en 2013 : « Souvent les jeunes filles me demandent si je suis féministe. Si être féministe c’est vouloir que les femmes trouvent leur juste place dans la société, oui ! »
Sur le plan des relations humaines elle savait porter un jugement très juste et sans a priori sur les événements et les personnes, tout en étant souple et positive. Dans certaines actions de l’association Femmes & Sciences, elle mettait aussi à contribution les membres de sa famille, notamment son mari Jean-Paul, également physicien.
Grande officière de la Légion d’honneur, Claudine Hermann était bienveillante et animée d’une volonté de créer, dans les structures qu’elle présidait ainsi que dans ses interventions, une atmosphère amicale et détendue. Cela sans dévier de ses objectifs clairement affirmés, que ce soit auprès des décideurs politiques, des parlementaires, des responsables de l’enseignement supérieur et de la recherche ou de ses collègues.
Article publié dans Le Monde, le 28 juillet 2021, par Colette Guillopé (Vice-présidente de la Plate-forme européenne des femmes scientifiques) et Isabelle Pianet (Présidente de Femmes & Sciences)